La Belgique est, une fois encore, bien représentée au Salon International de l'Aéronautique et de l'Espace de Paris (Bourget) avec 55 entreprises wallonnes soit près de deux tiers de la délégation 'Belgian Aerospace'. Une présence qui témoigne du dynamisme et de la solidité de l’écosystème aerospace, comme le souligne Étienne Pourbaix, Directeur du pôle de compétitivité Skywin.
"Le secteur aéronautique belge compte plus de 200 entreprises, génère quelque 11 000 emplois directs et affiche un chiffre d’affaires de 2,8 milliards d’euros. Il s’appuie sur trois fournisseurs de rang 1, chacun leader dans son secteur, ainsi qu’un réseau dynamique de PME innovantes et hautement spécialisées. Il est également à noter que de nombreuses entreprises aéronautiques possèdent des filiales en Belgique" – Etienne POURBAIX.
Quelles évolutions notables a-t-on observées dans le nombre ou le profil des entreprises aerospace ces dernières années ?
On assiste à une double évolution : d’un côté, une consolidation du secteur et de l’autre, l’arrivée de nouveaux acteurs qui n’étaient pas du tout dans l’Aero mais qui détiennent des briques technologiques qui leur permettent de s’intégrer dans la chaîne de valeur. Cela a permis d’élargir l’écosystème en termes de compétences sans modifier fondamentalement le nombre d’acteurs.
Sur le plan économique, le chiffre d’affaires du secteur est revenu au niveau d’avant COVID. Seul l’emploi reste un défi, avec des difficultés persistantes à recruter aussi bien des ingénieurs que du personnel de production.
Quels sont, selon vous, les compétences phares et les domaines d’excellence ?
Compte tenu de sa taille, la Wallonie peut s’enorgueillir de compter deux leaders mondiaux dans leurs domaines respectifs : Safran Aero Boosters et Sonaca. Parallèlement et grâce à un tissu industriel dynamique, une forte présence de PME spécialisées, et une collaboration soutenue avec les centres de recherche et les universités, la Wallonie a développé une expertise reconnue à l’échelle européenne et internationale. Parmi les compétences phares, je pourrais citer :
- La mécanique de précision, la fabrication additive, l’assemblage de sous-systèmes complexes ;
- L’ingénierie des matériaux avancés ;
- Les systèmes embarqués et l’électronique (cyberdéfense et sécurisation de systèmes critiques) ;
- Tests et en particulier les Tests Non Destructifs (moteurs, équipements hydrauliques ou structures), simulation numérique ;
- MRO (entretien d’équipements aéronautiques et militaires).
"Le secteur aéronautique belge compte plus de 200 entreprises, génère quelque 11 000 emplois directs et affiche un chiffre d’affaires de 2,8 milliards d’euros. Il s’appuie sur trois fournisseurs de rang 1, chacun leader dans son secteur, ainsi qu’un réseau dynamique de PME innovantes et hautement spécialisées. Il est également à noter que de nombreuses entreprises aéronautiques possèdent des filiales en Belgique" – Etienne POURBAIX.
Zoom sur les essais non destructifs
Parmi les évolutions marquantes du secteur aéronautique wallon figure l’émergence des essais non destructifs, c’est devenu une compétence stratégique. Un exemple remarquable est la société MPP, basée à Herstal, spécialisée dans les contrôles non destructifs entre autres pour le secteur aéronautique. Grâce à un investissement constant dans les technologies de pointe – radiographie digitale en cabine (générateur 320 kV, micro-foyer 0,2 mm, capteurs haute résolution 50 à 200 µm), inspection mobile, courants de Foucault, ultrasons multi-éléments, thermographie, etc. – MPP s’est imposé comme un acteur de référence à l’international.
L’observation de la Terre, fer de lance du spatial wallon
Dans le domaine spatial, la Wallonie se distingue notamment par son expertise en observation de la Terre, portée par des acteurs innovants tels qu’Aerospacelab.
Par ailleurs, l’industrie spatiale wallonne couvre l’ensemble de la chaîne de valeur : elle dispose de compétences reconnues dans les technologies pour lanceurs réutilisables, la conception d’actionneurs, les structures, l’électronique de puissance – tant pour les lanceurs que pour les satellites – ainsi qu’en cybersécurité.
L’initiative « JRI4Space » mérite également d’être saluée. Ce programme fédère, en Wallonie, les universités, les centres de recherche et les industriels afin d’aligner les priorités scientifiques avec les besoins concrets du secteur spatial.
Décarbonation de l’aviation : le projet WINGS donne des ailes à l’innovation durable
Une vingtaine d’acteurs wallons (grandes entreprises, PME et centres de recherche) est mobilisée, depuis 5 ans, dans le cadre du partenariat d’innovation technologique ‘WINGS’* visant à favoriser la transition écologique et numérique du secteur aéronautique. Objectif ? Contribuer à la mise en service d’un avion à faibles émissions de carbone en 2035 et sans carbone en 2050.
Ce projet témoigne de la volonté du Gouvernement de la Région wallonne de soutenir massivement son Industrie aéronautique. Cette initiative a créé une dynamique de collaboration sans précédent entre les partenaires. Les axes de travail portent à la fois sur l’avion (aérostructures, propulsion, systèmes de propulsion) mais aussi sur la manière de le construire (matériaux et procédés, digitalisation & simulation numérique, Industrie 4.0) – Etienne POURBAIX.
Face aux enjeux environnementaux et aux plans ambitieux de décarbonation, ultra-frugalité puis net zero à l’horizon 2050, nous connaissons une accélération inédite des cycles de développement et d’innovation au même titre que le développement de technologies dites disruptives. Les acteurs wallons de l’Aerospace sont pleinement engagés dans cette transition, en travaillant activement sur des innovations de rupture, tant en motorisation qu’en aérostructures (ailes, fuselage, etc.), pour contribuer à l’émergence des avions de nouvelle génération plus durables, plus performants et plus respectueux de l’environnement – Etienne POURBAIX.
Jusqu’à présent, la Wallonie a concentré ses efforts sur la décarbonation de l’aviation. Or le secteur aéroportuaire joue un rôle déterminant dans la réduction des émissions. C’est dans cette optique qu’une collaboration a récemment été initiée avec la Société Wallonne des Aéroports (SOWAER) afin d’élaborer un plan d’action dédié à la décarbonation du transport aérien et des aéroports en Wallonie.
Intelligence artificielle, cybersécurité, calcul haute performance, technologies quantiques, …
Ces thématiques, mises à l’honneur au Bourget, sont également au cœur des priorités des entreprises wallonnes. Autour du centre opérationnel de l’ESA à Redu, un véritable pôle technologique se structure, intégrant un centre de cybersécurité et un démonstrateur quantique – symboles des ambitions régionales en matière d’innovation duale, civile et militaire.
Nos entreprises couvrent l’ensemble de la chaîne de valeur, depuis la simulation numérique jusqu’à la conception, en passant par les tests non destructifs. Il convient également de souligner que l‘avènement des matériaux dits « intelligents » étend désormais l’expertise wallonne au métier hybride de mécanicien – électronicien. Enfin, l’économie des données et l’intelligence artificielle occupent une place stratégique et croissante, renforçant l’innovation et la compétitivité du secteur – Etienne POURBAIX.
Le secteur de la défense bénéficie d’un contexte favorable. Quelles sont les retombées concrètes pour les entreprises wallonnes ?
L’opportunité est réelle ! Et le souhait du secteur Aerospace – Défense belge est d’intégrer le plus rapidement possible le projet européen SCAF (Future Combat Air System) car les retombées (développement de briques technologiques et production) sont significatives pour tout le secteur.
Mot de la fin ?
En guise de conclusion, je dirais simplement que nous pouvons être fiers du savoir-faire aéronautique, spatial et défense développé en Belgique. Malgré sa taille modeste, notre pays s’est imposé comme un partenaire fiable, reconnu et écouté sur la scène internationale.
Entretien et article réalisés par Gate.31
