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Bio-Sourcing utilise du lait de chèvre pour fabriquer des médicaments contre le cancer

Basée à Liège, l’entreprise Bio-Sourcing a développé une plateforme qui permet de fabriquer des médicaments grâce au lait de chèvre. Ainsi, l’entreprise peut augmenter la production et réduire les coûts de fabrication des biomédicaments qui peuvent, notamment, être utilisés contre le cancer. Toujours en développement, Bio-Sourcing est à la recherche de nouveaux investisseurs.

L’entreprise wallonne Bio-Sourcing a mis en place une innovation qui permet de fabriquer des médicaments contre le cancer à partir du lait de chèvre. Basée à Liège, cette entreprise de biotechnologie emploie une trentaine de scientifiques. Créée en 2014, Bio-Sourcing est une spin-off de GTC basée à Boston, qui est elle-même une filiale du groupe français  LFB Biotechnologies, un laboratoire pharmaceutique dédié à la production de protéines dérivées du sang. Voilà pour les présentations.

Partant du constat que la production d’anticorps monoclonaux coûte cher, Bertrand Mérot a lancé Bio-Sourcing. Au départ, l’entreprise avait une licence exclusive pour la santé animale. Mais vu les résultats probants et les améliorations apportées, Bio-Sourcing peut aujourd’hui en faire profiter la santé humaine. « Actuellement, la production de protéines thérapeutiques, ce qu’on appelle des biomédicaments, est composée de grosses protéines très complexes à produire et qui nécessitent des systèmes vivants pour être fabriquées. Elles sont produites, aujourd’hui, en très grande majorité par culture de cellules de mammifères dans de très gros réacteurs en inox qui coûtent particulièrement cher en termes d’investissement, puisqu’on parle de plusieurs centaines de millions de dollars pour des unités de production qui peuvent produire quelques centaines de kilos d’anticorps monoclonaux. De ce fait, il y a de gros problèmes d’accessibilité mondiale à ces anticorps monoclonaux et ils se trouvent restreints à certaines maladies comme le cancer et les maladies neurodégénératives, mais surtout restreints aux pays qui peuvent se payer des traitements à plusieurs centaines de milliers d’euros. Sans parler de la production qui est très consommatrice d’énergie, d’électricité et qui émet énormément de dioxyde de carbone. Il fallait ce qu’on appelle changer de paradigme dans la bioproduction constatant que la technologie actuelle avait atteint certaines limites », explique Bertrand Mérot, fondateur et CEO de Bio-Sourcing.

Utilisation du lait de chèvre

 « Le changement de paradigme pour nous, c’est d’utiliser ce que la nature nous a offert de meilleur en termes de bioréacteur, c’est-à-dire la glande mammaire d’une espèce laitière. Nous utilisons les outils de biologie moléculaire les plus pointus, notamment les outils de génome editing (comme les outils de thérapie génique de type CrispR-Cas9 )pour introduire un gène humain dans le génome d’une chèvre de telle sorte que la protéine humaine qui sera produite, ne le sera que dans le lait de la chèvre en question », développe Bertrand Mérot.

Cela est possible parce que le code génétique est universel et donc commun entre la chèvre et l’humain. « Cela veut dire qu’on partage le même système informatique de lecture », précise-t-il. Et cela n’a pas d’impact sur la santé de la chèvre puisque la technique utilisée fait en sorte que la protéine ne soit exprimée que dans le lait.

« Après, il y a une étape de purification de la protéine à partir du lait pour en faire des médicaments. Et de ce fait, on remplace des investissements de plusieurs centaines de millions de dollars par une simple chèvrerie de quelques centaines de chèvres. On passe de 300 millions à 15 ou 20 millions de dollars d’investissements. On réduit les coûts de fonctionnement », déclare Bertrand Mérot. Avec cette technique, il est possible de permettre des productions locales dans des pays moins favorisés comme en Afrique.

Bio-Sourcing est d’ailleurs en train de mettre en place un partenariat en Afrique du Sud afin de développer un troupeau de chèvres selon les normes pharmaceutiques.

« Nous ne sommes pas les inventeurs du concept de cette plateforme technologique mais nous l’avons rendu industrialisable. Notre apport principal est d’avoir rendu cette technologie, qui était, il y a 20 ans, une technologie de laboratoire qui, occasionnellement, par chance, pouvait donner un médicament, en une nouvelle plateforme technologique industrielle et pharmaceutique. Cela peut être une solution pour l’Europe afin de réduire le prix de ces thérapies et gagner en souveraineté pharmaceutique. C’est aussi un grand espoir d’accessibilité à ces thérapies innovantes pour les pays du Sud et notamment dans le domaine des anti-infectieux », souligne Bertrand Mérot alors qu’il nous fait visiter les laboratoires installés sur le campus de l’Université de Liège.

« Nous avons choisi de développer, dans un premier temps, ce qu’on appelle des biosimilaires, c’est-à-dire des biothérapeutiques qui existent déjà, qui ont déjà fait leurs preuves, qui sont extrêmement efficaces mais qui sont inaccessibles à 98% de la population parce qu’ils sont produits en trop petit volume et coûtent trop cher. Nous avons choisi ces biosimilaires pour montrer que notre plateforme est capable de faire aussi bien en termes de qualité que les protéines déjà sur le marché », ajoute notre interlocuteur.

Le soutien de BioWin

Dans son développement, Bio-Sourcing peut compter sur le soutien du pôle de compétitivité BioWin. « C’est sur les fonds baptismaux d’un programme qu’on appelle BeForOneWorld, mis en place par BioWin, qu’on a lancé toute notre activité de production de biosimilaires », précise Bertrand Mérot. Nous avons pu également bénéficier du soutien de la Région wallonne « DGO6 » et du « European Innovation Council ».

Le programme BeForOneWorld et les subsides arrivent bientôt à leur terme. Pour continuer de développer Bio-Sourcing, Bertrand Mérot est en train de procéder à une augmentation de capital et lance un appel aux investisseurs. « C’est un magnifique projet né en Wallonie, qui peut apporter vraiment des solutions de production à l’échelle mondiale de médicaments. C’est aussi une réconciliation entre l’élevage traditionnel et la création de molécules à forte valeur ajoutée. On s’inscrit complètement dans une transition énergétique et écologique. De plus, on peut ouvrir de nouvelles perspectives en termes de voies d’administration, telles que la voie orale. Il y a un potentiel énorme, c’est une vraie cause, nationale et européenne pour la santé globale. Cela mérite collectivement qu’on y croit et qu’on y investisse », conclut Bertrand Mérot.

Isabelle Anneet (AWEX)

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